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Logement social : amélioration de la qualité et gestion des coûts

Au-delà du nombre de logements construits, leur état de dégradation est régulièrement dénoncé, notamment par la Confédération nationale du Logement (CNL).
« Les logements sociaux ne sont plus de qualité, regrette lui aussi Maurice Gironcel, président de la Cinor. La priorité est donnée aux logements les moins chers à tout prix. Ce n’est pas possible ! »
Jean-Pierre Chabriat, élu régional délégué à la transition énergétique, est sur la même longueur d’onde.
Alors que le schéma d’aménagement régional en cours de révision (à échéance 2025) prévoit le zéro artificialisation nette en 2050 et a défini cinq priorités dont l’une est d’« habiter décemment La Réunion », l’objectif est « d’amplifier la production de logements pour répondre à la demande et soutenir la filière de la construction ». Mais pas à n’importe quel prix.

Règle du mieux disant

« Nous avons un problème de qualité des logements, il faut s’y attaquer », confie le conseiller régional en citant notamment des défauts de conformité relevés par le Consuel.
Valérie Le Normand, directrice de la SHLMR, ne cache pas ce problème : « Améliorer la qualité des logements est primordial. Mais il faut respecter les règles de la commande publique. C’est le mieux disant qui l’emporte. Les difficultés des entreprises de BTP se ressentent également dans la qualité de nos constructions mais nous n’avons pas le choix ».
Le coût entre également en considération. « Il y a un décalage entre le prix des logements et la capacité financière des bailleurs sociaux, relève Hervé Mariton, président de la Fedom (Fédération des entreprises d’outre-mer). Pour faire en sorte que l’offre et la demande se rencontrent, c’est un peu angoissant ».
Hausse du foncier, flambée des matériaux de construction (encore +17 % en 2023 sur les agrégats et +9 % sur le béton prêt à l’emploi après une première hausse en 2022), remontée des taux d’intérêt sans oublier normes à respecter… tous ces facteurs ont considérablement renchéri le coût de production d’un logement social.
« En quelques mois, nous sommes passés de 2 000 euros (N.D.L.R. : le m²) à 3 000 euros, détaille Valérie Lenormand, directrice de la SHLMR, qui possède le plus gros parc de l’île. En mises en chantier, nous avons fait moitié moins que ce que nous avions prévu. Ce n’est pas un manque de volonté. Nous avons multiplié par quatre les fonds propres mobilisés. Mais il nous faut un soutien financier ».
Hervé Mariton reprend la proposition à son compte : « La ligne budgétaire unique (N.D.L.R. : LBU) existante n’interdit pas des mesures pour le foncier et la qualité de l’habitat. Et d’ajouter à la fin de sa visite : j’ai redit au préfet combien une plus forte intensité de la LBU opération par opération pourrait avoir du sens. Et nous avons besoin d’une visibilité pluriannuelle. »
La Réunion se situe parmi les bons élèves en matière d’utilisation de la LBU. En 2023, elle a consommé son enveloppe de 86 millions d’euros (soit 36 % de l’enveloppe des outre-mer)… et bénéficie régulièrement des reliquats des autres territoires ultramarins.
Malgré cela, la production a tendance à diminuer. « On fait moins de logements avec la même enveloppe », décrit Christian Pretot, chef du service habitat de la Deal (État). La faute à l’envolée des prix.
Frédéric Pillore, président de l’Armos (Association réunionnaise des maîtres d’ouvrage sociaux), relativise l’importance de la LBU dans le financement des opérations : « Aujourd’hui, c’est 10 % du montant des investissements contre 40 % pour le crédit d’impôt et 50 % pour les emprunts réalisés auprès d’Action Logement et de la Caisse des dépôts. Il ne faut pas perdre de vue que c’est le locataire qui permet de rembourser ces 50 % sur 40 ans. Avec la hausse du coût des investissements, nous sommes face à une équation complexe à résoudre ».

Triplement tarifaire en 20 ans

Pour Marc Joly, membre de l’Ordre des architectes, le coût du logement a même été triplé en 20 ans, passant de 1 000 à 3 000 euros le m². « Et la moitié vient de l’inflation normative ».
L’allégement des contraintes réglementaires est régulièrement mis en avant pour permettre de faire baisser le coût de la construction. C’est le sens de l’une des mesures du Ciom (Comité interministériel des outre-mer) permettant de déroger au marquage CE pour le remplacer par un marquage RUP (région ultrapériphérique) en important des matériaux de pays voisins.
« Il faut desserrer l’étau, se projette Stéphane Brossard, président de la commission technique de la FRBTP. Travailler avec des pays périphériques qui ont une qualité de construction bien établie ».
Autre demande : la mise en place à La Réunion (et non plus en métropole) d’un organisme chargé de vérifier la conformité des produits du BTP. Toutes ces pistes sont sur la table…

Source

Le Quotidien

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