Le Pakistan vote pour des élections ternies par des violences et des soupçons de manipulations, encore renforcés par la décision du gouvernement de couper les services de téléphonie mobiles pour la journée.
Au moins sept membres des forces de sécurité ont été tués dans deux attaques distinctes dans le nord-ouest et le sud-ouest du pays, et d’autres petites explosions ont eu lieu dans cette dernière région faisant deux blessés, a annoncé la police.
Le scrutin dans la république islamique avait été ensanglanté par la mort de 28 personnes, dans deux attentats à la bombe revendiqués par le groupe Etat islamique (EI) près des bureaux de candidats, dans la même province du Baloutchistan (sud-ouest).
Le ministère de l’Intérieur a annoncé, peu après l’ouverture des bureaux de vote, que les services de téléphonie mobiles étaient “temporairement suspendus” dans tout le pays pour des raisons de sécurité.
L’internet mobile est aussi coupé, a fait savoir Netblocks, une organisation qui surveille la cybersécurité et la gouvernance de l’internet.
Les bureaux de vote doivent fermer à 17H00 (12H00 GMT) pour les quelque 128 millions d’inscrits, dans un pays placé sous la surveillance de plus de 650.000 membres des forces de sécurité.
“Nous sommes venus à pied et sur une remorque tirée par un tracteur. Ca a été un très long et rude voyage”, a déclaré à l’AFP Ayesha Bibi, une femme au foyer votant à Multan (centre).
“Nous n’avons pas d’école dans notre village. Les jeunes filles doivent aller loin pour étudier. Les femmes sont sans emploi (…) Le gouvernement devrait nous donner du travail pour que nous puissions aider nos familles”, a-t-elle ajouté.
L’équité du scrutin a été mise en doute par avance. Le populaire Imran Khan, 71 ans, condamné à trois longues peines de prison, n’a pu se présenter. Et les observateurs estiment que l’armée soutient Nawaz Sharif, 74 ans, qui pourrait ainsi diriger le pays pour la quatrième fois.
Le parti d’Imran Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), a aussi été décimé par les arrestations et les défections forcées, et empêché de mener campagne. Des dizaines de ses candidats ont été interdits de se présenter et les autres ne peuvent concourir qu’en indépendants.
Les électeurs dépendent de l’envoi de SMS pour confirmer dans quel bureau de vote ils sont enregistrés. L’un d’eux, Abdul Jabbar, 40 ans, a raconté avoir été empêché d’utiliser le service et de localiser son bureau de vote à cause des problèmes d’internet. “D’autres supporteurs du PTI nous ont finalement aidés à le trouver”, a-t-il dit.
“Ma seule peur est de savoir si mon vote sera bien comptabilisé pour le parti pour lequel j’ai voté”, a déclaré Syed Tassawar, un ouvrier du bâtiment de 39 ans, à la sortie d’un bureau de vote d’Islamabad.
Les Pakistanais à 70% “n’ont pas confiance dans l’intégrité des élections”, a pointé cette semaine l’institut Gallup. Cela traduit un recul démocratique pour un pays qui a été dirigé pendant des décennies par l’armée, mais qui avait connu des progrès depuis 2013, année de la première transition d’un gouvernement civil à un autre.
L’armée a toujours eu une forte influence même sous un pouvoir civil, mais les observateurs estiment qu’elle a interféré encore plus ouvertement dans ces élections.
Imran Khan, qui avait pourtant bénéficié de ses faveurs pour être élu en 2018, l’a défiée de front. Il l’a accusée d’avoir orchestré son éviction du poste de Premier ministre en avril 2022 et lui a imputé ses ennuis judiciaires.
Sa disgrâce semble devoir profiter à Nawaz Sharif, 74 ans, rentré au Pakistan en octobre après quatre années d’exil à Londres.
La sécurité s’est dégradée, notamment depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021. Son économie est en lambeaux, avec une dette abyssale et une inflation avoisinant les 30%.
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