Limiter le chauffage de certains bâtiments, reporter la fermeture prévue de centrales nucléaires, inciter les entreprises à réduire leur consommation… Bruxelles dévoile mercredi son plan pour passer l’hiver et surmonter la chute des livraisons de gaz russe.
« Nous nous préparons à toute éventualité, qu’il s’agisse de graves perturbations ou d’une rupture totale des livraisons de gaz russe (…) Si le pire se concrétise, il faudra être prêt », avait déclaré début juillet à Strasbourg la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
L’exécutif européen avait présenté au printemps une stratégie pour s’affranchir des hydrocarbures russes. Le plan, baptisé « RePowerEU », visait à imposer aux Etats un remplissage minimal des réserves de gaz, à diversifier les sources d’approvisionnement, et à promouvoir les énergies renouvelables.
Les annonces de mercredi cibleront une réduction de la demande.
En dépit d’un gonflement des importations depuis la Norvège, l’Azerbaïdjan ou l’Algérie, « les ressources gazières non-russes ne vont tout simplement pas suffire pour remplacer les livraisons de Russie », a averti lundi le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol.
L’arsenal de mesures proposées par Bruxelles vise donc à réduire la consommation annuelle de gaz dans l’UE de l’ordre de 25 à 60 milliards de m3, selon un projet de texte consulté par l’AFP. Pour comparaison, la Russie avait fourni en 2020 quelque 153 milliards de m3 aux Vingt-Sept, soit 40% de leurs importations de gaz.
Dans le détail, 11 milliards de m3 proviendraient d’une baisse du chauffage ou de la climatisation des bâtiments, entre 4 et 40 milliards de m3 seraient économisés sur la combustion de gaz pour la production d’électricité, et 10 à 11 milliards sur la demande industrielle qui a déjà flanché sous l’effet de la flambée des cours.
Bruxelles doit notamment demander aux Etats d’adopter des mesures contraignantes pour limiter à 19 degrés le chauffage et à 25 degrés la climatisation dans les bâtiments publics et commerciaux, « là où c’est techniquement faisable ».
Baisser le thermostat
Par ailleurs, « d’importantes économies peuvent être réalisées en déployant des sources de chaleur alternatives pour le chauffage urbain et des pompes à chaleur » chez les particuliers, tandis que des campagnes de communication devraient inciter les ménages à baisser le thermostat d’un degré cet hiver, ajoute le document.
Les « clients protégés » (ménages, services sociaux, PME, dont la législation européenne garantit l’approvisionnement) représentent moins de 37% de la consommation totale de gaz.
La Commission veut donc cibler particulièrement la production d’électricité et l’industrie, très énergivores.
Dans son projet, Bruxelles propose aux Etats de « passer au nucléaire là où c’est une option » envisageable, et demande aux pays désireux de renoncer à l’atome civil de reporter leurs projets de fermeture de centrales nucléaires.
Et pour minimiser les interruptions des centrales électriques au gaz, des générateurs d’appoint fonctionnant au diesel devront pouvoir prendre le relais « pour au moins cinq jours ».
Pour les industriels, le texte rappelle l’existence d’alternatives aux énergies polluantes: passage à la biomasse ou au biométhane, électrification de certaines machines…
Bruxelles propose aux Vingt-Sept de mettre en place « des systèmes d’enchères » qui offriraient aux entreprises des « compensations » en échange d’une réduction de leur consommation.
Même pour des secteurs ayant peu de marges de manoeuvre pour se passer du gaz, comme la chimie qui l’utilise comme matière première, « il serait nettement moins coûteux de réduire modérément la demande progressivement » plutôt que d’attendre d’être frappé par une rupture brutale d’approvisionnement, estime la Commission.
Ce plan, qui sera examiné le 26 juillet par les ministres européens de l’Energie, est dévoilé à un moment critique.
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