Des délégations d’Ukraine, de Russie et de Turquie tentaient mercredi à Istanbul de lever les obstacles aux exportations par la mer Noire de céréales ukrainiennes, qui font cruellement défaut sur le marché mondial.
Quelque 20 millions de tonnes de céréales sont actuellement bloquées dans les ports de la région d’Odessa, dans le sud de l’Ukraine, en raison de l’invasion du pays par la Russie lancée le 24 février.
En Ukraine, des tirs au lance-roquettes multiple ont touché plusieurs sites dans la région de Mykolaïv, sur la mer Noire, qui ont fait au moins cinq morts selon un responsable ukrainien.
Kiev s’attend également à une nouvelle offensive russe dans la région de Donetsk, dans l’est du pays, où la ville de Bakhmout, proche du front, a de nouveau été bombardée mercredi matin.
« On ne s’habitue jamais à la guerre, c’est affreux et effrayant », confie Lioubov Mojaïeva, une agronome de 60 ans venue chercher un peu de nourriture dans l’ancien centre culturel de Bakhmout.
Le long du Bosphore, la plus grande discrétion entoure la tenue des discussions à huis-clos entre experts militaires en présence d’une délégation des Nations unies, que le ministère turc de la Défense a dit vouloir garder « confidentielles ».
La rencontre a commencé peu après 11H15 GMT, dans un lieu tenu secret.
L’Ukraine est l’un des principaux exportateurs mondiaux de blé et d’autres céréales.
Il s’agit d’établir des couloirs sécurisés permettant leur transport, entravé par l’occupation russe des ports d’Ukraine et la présence de mines posées par Kiev pour protéger ses côtes.
C’est la première fois que des représentants de Moscou et Kiev se rencontrent de visu depuis le 29 mars, un mois après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, quand des délégations des deux parties s’étaient retrouvées sur le Bosphore, sans avancée.
Le temps presse: cette réunion intervient dans un contexte de hausse mondiale des prix des denrées alimentaires qui fait peser des risques de famine, en particulier en Afrique.
Cadre propice
Dans un entretien au quotidien espagnol El Pais publié mercredi, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba est apparu relativement confiant sur l’issue de ce nouveau rendez-vous.
« Nous sommes à deux doigts d’un accord », estime-t-il. « Maintenant tout dépend de la Russie ».
Mais M. Kouleba soupçonne Moscou de bloquer les discussions pour priver Kiev de revenus. « Ils savent que si nous exportons, nous recevrons des fonds des marchés internationaux et cela nous renforcera ».
La Russie de son côté a réitéré mardi son exigence de voir le chargement des navires inspecté. « Nos conditions compréhensibles comprennent la possibilité de contrôler et fouiller le navire pour éviter la contrebande d’armes et un engagement de Kiev à ne pas organiser de provocations », a prévenu un responsable du ministère des Affaires étrangères.
La Turquie, membre de l’Otan et alliée des deux parties en conflit, multiplie les efforts diplomatiques pour faciliter la reprise des livraisons.
Des responsables turcs ont assuré disposer de 20 navires marchands qui attendent actuellement en mer Noire et pourraient être rapidement chargés de céréales ukrainiennes.
Jusqu’à présent les efforts turcs, conduits à la demande de l’ONU, n’ont pas permis de débloquer la situation.
La venue début juin à Ankara du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n’avait permis aucune avancée, en l’absence de toute représentation ukrainienne.
Mais les présidents russe, Vladimir Poutine, et turc, Recep Tayyip Erdogan, doivent se retrouver le 19 juillet à Téhéran en marge d’un sommet sur la Syrie, qui pourrait fournir le cadre propice à l’annonce d’un accord.
Le président turc se pose en médiateur entre les deux pays depuis le début du conflit, prenant soin cependant, tout en fournissant des drones de combat à l’Ukraine, de ne pas froisser Moscou.
Offensive en « pause opérationnelle »
La Turquie et son économie en difficulté, avec une inflation record de 79% sur un an, dépendent étroitement des échanges avec la Russie et du gaz russe.
L’Ukraine a même plusieurs fois dénoncé les navettes de cargos turcs à travers la mer Noire, depuis et vers les ports ukrainiens sous contrôle russe.
Sur le front militaire, la Russie n’a pas conduit d’offensive terrestre majeure depuis qu’elle a vaincu début juillet les dernières poches de résistance dans la région de Lougansk, formant avec celle de Donetsk le bassin minier du Donbass, partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Les analystes évoquent une « pause opérationnelle » des forces russes avant l’assaut contre la ville de Sloviansk et celle de Kramatorsk, centre administratif du Donbass encore sous contrôle ukrainien, dans le région de Donetsk.
Pour les responsables américains, les Russes tentent de surmonter leurs pertes tout en négociant l’acquisition de centaines de drones de combat avec l’Iran.
De son côté, l’Ukraine tente de contrer les Russes en organisant des attaques de plus en plus puissantes avec de nouveaux systèmes de roquettes américains et européens ciblant les dépôts d’armes.
Selon l’état-major ukrainien, Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, dans le nord-est, a de nouveau été bombardée mercredi, tout comme plusieurs quartiers de Bakhmout. « L’ennemi continue à mener des assauts pour améliorer sa position et créer des conditions favorables à l’offensive dans le sens Izioum-Sloviansk », a-t-il déclaré.
Quatre civils sont morts dans la région de Donetsk, dont un à Bakhmout, selon le gouverneur Pavlo Kyrylenko.
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