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Elle est si reine | Le Quotidien de la Réunion

Après Paris, ville de monuments : Paris ville du glamour et de l’amour. Après Esther la sculpture, on plonge dans le destin d’Emma. Un destin qui se construit grâce à l’amour de sa famille. Emma la fille coquette qui voulait devenir sapeuse-pompière. La sirène qui rêve d’être la plus rapide dans le panier de crabe de la natation mondiale.

Je vous ai raconté l’histoire d’athlètes potentiellement médaillables aux Jeux Olympiques de Paris en 2024. En natation j’aurais pu commencer tout de suite avec Nans Mazelier, le jeune requin de l’ASEC Saint-Paul, qui risque bien de s’imposer dans les bassins mondiaux.
Mais, aujourd’hui, je veux vous conter l’histoire d’une nageuse qui mérite qu’on lui rappelle son potentiel. Car, la réalité du sport ce n’est pas seulement des sportifs ultra-confiants en toutes circonstances. Emma Morel arrive à cette période tant redoutée par tout sportif, celui de penser à la retraite sportive et à la reconversion. Pour cela le chemin est tout tracé : fille et sœur de pompiers, elle vient de brillamment réussir son concours. Mais, une flamme dans son cœur lui dit que ce n’est pas encore fini. A l’heure où elle vient d’obtenir sa première sélection en équipe de France – qu’elle représentera lors des Jeux Méditerranéens dans quelques jours – le cœur d’Emma vacille. Elle nage en eaux troubles.

(Photo : Siana Photographie 974)

L’histoire commence au bord des bassins, la famille Morel est une famille sportive. Papa Morel, Lieutenant sapeur-pompier est un « ultra raider », plusieurs fois finisher du Grand Raid. La légende dit qu’il a dû vaincre bien des marins attirés par le chant de sa sirène de femme.
Son frère, Antoine, était le meilleur brasseur réunionnais pendant des années. Autant dire que cela coulait de source qu’Emma effectue ses premières brasses sous les ordres de Christelle Tschumi à Saint-Joseph.
Longtemps talentueuse, starlette nationale, Emma s’envole pour le CREPS de Toulouse afin de continuer sa progression. Un premier départ en métropole, qui se révèlera une expérience difficile sur le plan sportif – pour une jeune fille bien trop attachée à son bout de caillou – et mettra presque fin à tout rêve de performance.
Emma est réunionnaise dans l’âme, et surtout elle a besoin de sa famille pour réussir.
La famille Morel est une famille créole ultra-soudée, ils se soutiennent entre eux dans les projets de chacun. Depuis toujours sa famille croit en elle et est derrière elle. A chaque compétition ses parents sont là. A chaque moment de doute, de risque de noyade : sa maman est là pour lancer une bouée de sauvetage et re-booster le moral des troupes. Papa Morel, lui, maintient sa famille dans le rang, dans la réalité de la vie et remet les idées en place si nécessaire. Quant à son frère Antoine, désormais dévoué corps et âme à son métier de pompier, il remet quand même le petit maillot de bain pour l’accompagner et la motiver quand elle doit nager seule une séance difficile. Chez les Morel : personne n’est laissé pour compte, on se serre les coudes et on avance. « Plus haut, plus fort, plus vite : ensemble ». Tellement ils l’incarnent, ils pourraient mettre la devise Olympique sur le pas de porte.

(Photo : Siana Photographie 974)

C’est finalement à l’âge de 22 ans, un âge où l’on espère presque plus progresser en natation, qu’une rencontre avec Benoit Debast va tout changer. En travaillant le geste et la technique avec l’ancien disciple de Philippe Lucas, elle commence à voir sa nage s’améliorer. Le geste est plus fluide, la glisse est plus naturelle. Le papillon est enfin prêt à prendre son envol. Malgré les péripéties : elle a dû nager dans la nasse d’un bassin d’entrainement beaucoup trop chaud (jusqu’à 33 degrés !), faire face à l’impossibilité de trouver parfois des créneaux d’entrainement, soigner les petites blessures… elle se bat contre vents et marées pour progresser. C’est peu dire qu’elle a du mérite : elle se lève pour nager à 6 h puis enchaîne sur une journée de travail en tant que conseillère en assurances à Groupama de 9 h à 17 h. Dès qu’elle quitte le travail, elle replonge immédiatement dans l’eau pour un deuxième entraînement de 2 h, avant de rentrer, littéralement rincée par sa journée. Juste le temps de fermer les yeux un instant et elle recommence encore et encore. Elle utilise ses jours de congés pour partir en compétition : si ça ce n’est pas de la passion ! Pour moi, elle a cent fois plus de mérite pour cela.

C’est grâce à une préparation minutieuse orchestré par son entraineur au sein de son club des Nageurs de Saint-Leu, ainsi qu’à une gestion précise entre vie professionnelle, familiale et entraînement et surtout sa volonté qu’Emma réalise un exploit que l’on n’avait plus vu depuis Franck Schott – il y a quelques décennies – : obtenir une médaille aux championnats de France élite en s’entrainant et travaillant sur notre belle île. Comme quoi : La Réunion est véritablement une terre de champion(ne)s.

Quelques mois plus tard, touchée par la Covid-19, elle peine à confirmer ses progrès et stagne un peu lors des championnats de France d’été. L’annonce de sa sélection en équipe de France pour les Jeux méditerranéens est un très beau lot de consolation. Mais alors que l’eau de sa piscine d’entraînement devient glaciale, quasiment impraticable et qu’elle valide son concours de sapeuse pompière. Le doute s’immisce dans son esprit : le jeu en vaut-il la chandelle ? Est-elle obligée d’affronter toutes ces difficultés, de faire face à la tempête ? N’est-il pas plus raisonnable d’éteindre le feuilleton de la natation et « retourner à une activité normale », comme dirait les « Guignols de l’infos » ?

Emma, la vie professionnelle est primordiale, je te l’accorde. Mais s’il-te-plait : mets le feu et rallumes la flamme Olympique dans ton cœur. Maintenant que tu es sapeuse pompière : tu pourras l’éteindre plus tard. Et ta superbe famille sera là pour t’accompagner.
Emma, tu es la princesse de la natation réunionnaise, peux-tu devenir une reine des bassins mondiaux ?
Saches que, que tu nages en eaux troubles ou que tu surfes sur la vague du succès, la Réunion est avec toi, nous sommes à tes cotés.
Emma, Jeux Paris sur toi ?

Rubrique réalisée
en collaboration avec
ALEXANDRE DÄLLENBACH

Source

Le Quotidien

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