La décision de la Cour suprême de la Fédération de Russie éloigne considérablement le pays de ses obligations en matière de droits de l’homme, ont déploré les experts.
Risques de harcèlement
Le 4 décembre 2023, les experts ont adressé une lettre officielle à la Fédération de Russie exprimant leurs « préoccupations urgentes » concernant la décision de la Cour suprême. Cette décision s’inscrit « dans la tendance des violations des droits humains parrainées par l’État à l’encontre des personnes LGBT en Fédération de Russie ».
Les 2 et 3 décembre, des forces de l’ordre ont mené des descentes à Moscou et à Saint-Pétersbourg dans des lieux fréquentés par des personnes LGBT, tels que des bars et des clubs.
Les policiers cagoulés ont procédé à des perquisitions « non autorisées », vérifié et photographié les documents d’identité des visiteurs, créant ainsi des risques de harcèlement ou d’utilisation abusive de leurs informations personnelles, selon les experts. De plus, l’un des lieux visés a résilié son contrat de location en raison de menaces proférées par des policiers, invoquant la récente décision de la Cour suprême.
Intimider et instiller la peur
Les actions policières immédiates et fortement médiatisées visent à intimider et instiller la peur au sein de la communauté LGBT en Russie, ont estimé les experts. Ils ont également averti que les défenseurs des droits humains et les organisations qui défendent les droits des personnes LGBT en Russie ont dû arrêter leurs activités par crainte de poursuites pénales.
Un certain nombre d’avocats et de défenseurs des droits de l’homme représentant des personnes LGBT devant les tribunaux russes ont quitté le pays ou envisagent de cesser leurs activités dans ce type d’affaires, ont-ils déclaré.
Cela compromet l’accès à la représentation juridique et à la justice pour les victimes de discrimination, de violence et d’autres crimes fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ont souligné les experts.
Le terme « extrémisme » incompatible avec les droits de l’homme
Les experts ont averti qu’un large éventail d’activités de défense des droits humains, de plaidoyer et d’association protégées par le droit international des droits de l’homme risquait de tomber sous le coup d’une « décision radicale » de la Cour suprême. Selon l’organisation russe de défense des droits humains SOVA Center, citée par les experts, 255 personnes ont été inculpées pour « extrémisme » ou de crimes connexes en 2022 « sans motif valable ».
Les experts ont exhorté la Russie à rejeter la décision de la Cour suprême et à mettre un terme immédiat à l’utilisation abusive de la législation sur l’« extrémisme » dans le pays, « de plus en plus utilisée pour réprimer l’exercice légitime des droits de l’homme et la dissidence pacifique ». Ils ont également affirmé que le terme « extrémisme » est incompatible avec les droits de l’homme selon le droit international.
*Les experts : Mariana Katzarova, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie ; Ben Saul, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme ; Graeme Reid, Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ; Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ; Dorothy Estrada Tanck (présidente), Claudia Flores, Ivana Krstić, Haina Lu et Laura Nyirinkindi, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.
NOTE
Les Experts indépendants et Rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.
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